mardi 15 avril 2014

Sassou et Kabila, en lice pour 2016 ?


Denis Sassou Nguesso et Joseph Kabila vont-ils briguer un nouveau mandat en 2016 dans leurs pays respectifs ? Ironie du sort, les présidents des deux Congo, à qui on a régulièrement prêté des différends, sont confrontés exactement au même dilemme pour les deux ans à venir : céder ou non à la tentation du troisième mandat, malgré les verrous constitutionnels qui les en empêchent.


Jusqu’ici, le débat sur la présidentielle 2016 relevait de simples rumeurs. De celles qui alimentent les conversations dans les ngandas (cafés) autour de quelques Primus (bières). Mais depuis quelques semaines des voix se font entendre pour appeler publiquement à une modification de la constitution, qui ouvrirait la voie à une nouvelle mandature.  

Au Congo-Brazza, les membres de l’entourage du Denis Sassou Nguesso ont profité d’une réunion avec le chef de l’Etat fin mars à Dolisie, dans le département du Niari, pour l’implorer de « ne pas hésiter à envisager le changement de la constitution », selon les mots du président de l’Assemblée nationale Justin Kumba. Réponse énigmatique du président Sassou :


"J'écoute tout ce que vous dites, bon ou mauvais. Un jour viendra où je vais décider. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Vous avez parlé, le président a entendu. Je tiens à vous remercier de votre franchise et courage parce que ce problème est très crucial et capital pour l'avenir de notre pays."

A Kinshasa, le parti présidentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), réuni en congrès le 12 et 13 avril,  s’est lui aussi exprimé en faveur de réformes constitutionnelles. Il y a quelques semaines, le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé assurait pourtant sur RFI  que : 
 "le president Kabila respectera strictement ce qui est écrit dans la constitution. Il nous a dit qu’en 2016 il y aura un passage de flambeau civilisé, entre un president qui sort et un président qui entre."
Les verrous constitutionnels

Sur le plan juridique, les constitutions de RDC et du Congo Brazza, si elles restent en l’état, empêchent en effet toute nouvelle candidature des présidents sortants.

Pour le Congo-Brazzaville, les articles 57 et 58 de la constitution du 20 janvier 2002 indiquent que « le président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct et est rééligible une fois » et que tout candidat à la présidentielle « est âgé de quarante ans au moins et soixante dix ans au plus à la date du dépôt de sa candidature ». Or Denis Sassou Nguesso ne répondra  à aucune de ces deux conditions. En 2016,  il achèvera son deuxième mandat dans le cadre de cette nouvelle constitution et aura 73 ans.  Selon l’article 185, le nombre de mandats présidentiels ne peut faire l’objet d’aucune révision. 

En RDC, l’article 70 de la constitution de février 2006 indique lui aussi que le président n’est rééligible qu’une fois. A cela s’ajoute l’article 220, qui précise que le nombre et la durée des mandats présidentiels ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Comme Denis Sassou Nguesso, Joseph Kabila s’achemine vers la fin de son deuxième mandat, ce qui rendrait a priori impossible une candidature en 2016.

Les arguments pour 2016

Malgré ces limites constitutionnelles, l’argument utilisé le plus souvent pour appeler à un maintien des présidents en place est connu. Kabila et Sassou seraient les seuls garants de la stabilité et de la paix dans des pays fragiles qui ont connu des douloureuses périodes de violence ces dernières années. Des violences qui ont marqué les esprits des populations civiles, qui à tout prendre, préfèreraient le calme à de nouveaux "troubles démocratiques". Sur le plan économique et diplomatique, Denis Sassou Nguesso est aussi salué pour ses bonnes relations avec ses partenaires dont la France et pour son rôle stratégique dans la région, notamment en Centrafrique, où plusieurs centaines de soldats congolais interviennent dans le cadre de la MISCA, la force onusienne déployée dans le pays et dirigée par le général congolais Jean-Marie Michel Mokoko. 

Autre argument beaucoup plus inattendu. Celui invoqué il y a quelques jours par l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans un récent éditorial “la liberté de réélire” : “il n’y a pas de liberté d’élire sans liberté de réélire” explique le journal. “La limitation des mandats est donc contraire au principe de la souveraineté populaire. L’alternance, si elle doit se produire, ne doit pas provenir d’une disposition constitutionnelle, mais de la décision des électeurs de "sortir le sortant". C’est ainsi qu’ont eu lieu les alternances béninoise, sénégalaise ou congolaise.”
Un argument qui, on l'imagine, fait bondir les oppositions de part et d'autre du fleuve Congo. Notamment à Brazzaville, où Denis Sassou Nguesso a déjà trente ans de présidence derrière lui.