Denis Sassou Nguesso et Joseph Kabila vont-ils briguer un
nouveau mandat en 2016 dans leurs pays respectifs ? Ironie du sort, les présidents des deux Congo, à qui on a
régulièrement prêté des différends, sont confrontés exactement au même dilemme pour
les deux ans à venir : céder ou non à la tentation du troisième mandat, malgré les verrous constitutionnels qui les en empêchent.
Jusqu’ici, le débat sur la présidentielle 2016 relevait de
simples rumeurs. De celles qui alimentent les conversations dans les ngandas
(cafés) autour de quelques Primus (bières). Mais depuis quelques semaines des
voix se font entendre pour appeler publiquement à une modification de la
constitution, qui ouvrirait la voie à une nouvelle mandature.
Au Congo-Brazza, les membres de l’entourage du Denis Sassou
Nguesso ont profité d’une réunion avec le chef de l’Etat fin mars à Dolisie,
dans le département du Niari, pour l’implorer de « ne pas hésiter à
envisager le changement de la constitution », selon les mots du président de
l’Assemblée nationale Justin Kumba. Réponse énigmatique du président Sassou :
"J'écoute tout ce que vous dites, bon ou mauvais. Un jour viendra où je vais décider. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Vous avez parlé, le président a entendu. Je tiens à vous remercier de votre franchise et courage parce que ce problème est très crucial et capital pour l'avenir de notre pays."
A
Kinshasa, le parti présidentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et
la démocratie (PPRD), réuni en congrès le 12 et 13 avril, s’est lui aussi exprimé en faveur de réformes
constitutionnelles. Il y a quelques semaines, le porte-parole du gouvernement
Lambert Mendé assurait pourtant sur RFI
que :
"le president Kabila respectera strictement ce qui est écrit dans la constitution. Il nous a dit qu’en 2016 il y aura un passage de flambeau civilisé, entre un president qui sort et un président qui entre."
Les verrous constitutionnels
Sur le plan juridique, les constitutions de RDC et du Congo Brazza, si elles restent en l’état, empêchent en effet toute nouvelle candidature des présidents sortants.
Sur le plan juridique, les constitutions de RDC et du Congo Brazza, si elles restent en l’état, empêchent en effet toute nouvelle candidature des présidents sortants.
Pour le Congo-Brazzaville, les articles 57 et 58 de la
constitution du 20 janvier 2002 indiquent que « le président de la
République est élu pour sept ans au suffrage universel direct et est rééligible
une fois » et que tout candidat à la présidentielle « est âgé de
quarante ans au moins et soixante dix ans au plus à la date du dépôt de sa
candidature ». Or Denis Sassou Nguesso ne répondra à aucune de ces deux conditions. En 2016, il achèvera son deuxième mandat dans le cadre de cette nouvelle constitution et aura 73 ans. Selon l’article 185, le nombre de mandats présidentiels ne peut faire l’objet d’aucune
révision.
En RDC, l’article 70 de la constitution de février 2006 indique
lui aussi que le président n’est rééligible qu’une fois. A cela s’ajoute l’article
220, qui précise que le nombre et la durée des mandats présidentiels ne peuvent
faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Comme Denis Sassou Nguesso,
Joseph Kabila s’achemine vers la fin de son deuxième mandat, ce qui
rendrait a priori impossible une candidature en 2016.
Les arguments pour 2016
Autre
argument beaucoup plus inattendu. Celui invoqué il y a quelques jours par l’hebdomadaire
Jeune Afrique, dans un récent éditorial “la liberté de réélire” : “il n’y a pas
de liberté d’élire sans liberté de réélire” explique le journal. “La limitation
des mandats est donc contraire au principe de la souveraineté populaire.
L’alternance, si elle doit se produire, ne doit pas provenir d’une disposition
constitutionnelle, mais de la décision des électeurs de "sortir le
sortant". C’est ainsi qu’ont eu lieu les alternances béninoise,
sénégalaise ou congolaise.”
Un argument qui, on l'imagine, fait bondir les oppositions de part et d'autre du fleuve Congo. Notamment à Brazzaville, où Denis Sassou Nguesso a déjà trente ans de présidence derrière lui.
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