Manifestants au Burundi |
Aujourd’hui
c’est Noël. Et tout le monde ou presque ne pense qu’à Noël. Hier,
c’était Star Wars, et tout le monde ou presque ne pensait qu’à Star
Wars. Qui pense au Burundi, qui à chaque heure, sombre un peu plus dans
la violence ? Au Congo-Brazzaville, où les voix dissidentes ne nous
reviennent plus qu’en de lointains échos. Faut-il inexorablement
attendre le terrorisme et la guerre pour faire mine de s’intéresser à
l’Afrique ? Comment ignorer qu’ils ne sont que les produits de nos
indifférences d’hier ?
Tant
bien que mal, le petit Burundi avait pourtant réussi à trouver un
équilibre politique. C’était les accords d’Arusha, en 2000. Ils
mettaient fin, progressivement, à une guerre civile qui avait coûté la
vie à plus de 300.000 personnes. Ils établissaient aussi un partage du
pouvoir entre la majorité hutu et la minorité tutsi et des principes
simples comme la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.
Ces
accords sont aujourd’hui en lambeaux. Après deux mandats, le président
Pierre Nkurunziza s’est à nouveau présenté. Coûte que coûte, il s’est
accroché à son fauteuil, au prix d’une spirale de violence,
d’assassinats ciblés, de journalistes torturés. Depuis fin avril, au
moins 400 personnes ont été tuées selon l’ONU, qui à demi-mot reconnaît
pourtant que le bilan est sans doute “considérablement plus élevé”.
Il
y a deux jours, une énième rébellion armée s’est constituée, les Forces
républicaines du Burundi (Forebu). A sa tête, le lieutenant-Colonel
Edouard Nshimirimana, qui clame qu’il “va chasser par la force
Nkurunziza du pouvoir pour restaurer l’accord d’Arusha et la
démocratie”. Menaçante, la présidence burundaise ne prédit “aucun
avenir” à ce mouvement rebelle, qui “comme ses prédécesseurs” sera
“étouffé dans l’oeuf”.
5.000
soldats de l’Union Africaine sont annoncés pour mettre fin aux
violences. Mais quand et pour faire quoi ? Comment les déployer sans
l’accord du pouvoir ?
Du
côté de la communauté internationale, si tant est que cette drôle
d'expression ait encore un sens, les appels à la modération et au dialogue
se succèdent depuis des mois, sans effet. Quand bien même les critères
ethniques ne recouvrent pas les multiples fractures qui divisent
actuellement le pays, les chancelleries sont tétanisées par le fantôme
de 1994. Les 800.000 victimes, tutsis et hutus modérés, du génocide
rwandais qu’elles n’avaient pu empêcher.
Des
appels de la communauté internationale, il y en a, aussi, au
Congo-Brazzaville, mais si peu. Le paysage politique y est comme
congelé. Le pays visiblement indissociable de son président Denis Sassou
Nguesso, revenu au pouvoir par les armes en 1997, après une guerre
civile, encore une. Pour 2016, une constitution l’empêchait de
s’accrocher au pouvoir. Qu’importe, une autre a été écrite à la hâte et
adoptée par référendum en octobre.
Quelques
jours avant le vote, François Hollande avait estimé que Denis Sassou
Nguesso avait, après tout, tout à fait le droit de consulter son peuple.
La France est, il est vrai, un partenaire historique du Congo, où le groupe Total
est le principal acteur de secteur pétrolier.
Aussitôt critiqué par les ONG et l’opposition congolaise, le président
français avait rectifié le tir quelques heures plus tard par un
communiqué condamnant toute violence et rappelant l’importance de la
liberté d’expression.
Puisque
les critiques se font rares, la présidentielle au Congo devrait aussi
être avancée. Ce ne sera plus au mois de juillet mais au premier
trimestre 2016, espère Denis Sassou Nguesso, qui considère que grâce à
sa nouvelle constitution son pays est sur “la voie du renouveau de la
République”.
Avec cet inattendu changement de calendrier, l’opposition redoute de
n’avoir ni le temps, ni les moyens de préparer la campagne, mais qui
s’en soucie ?
Certes,
les opposants ont depuis longtemps perdu une partie de leur
crédibilité. Sans accès aux médias, ni véritable aura au sein de la
population, ils sont souvent divisés, sans ressources, exposés aux
appels du pied et aux francs CFA de la présidence, qui bénéficie à plein des
ressources pétrolières.
Le
20 octobre, des jeunes sont allés dans la rue pour dire au président
“Sassoufit”. La répression des manifestations a fait dix-sept morts selon
l’opposition. Dix jours après, cette même opposition annonçait des
grandes marches dans tout le pays, pour contester les résultats du
référendum. Les manifestations ont finalement été annulées sans
explication crédible.
Interrogé
à Paris, l’écrivain Alain Mabanckou a renvoyé tout le monde dos à dos :
le président qui devrait renoncer à s’accrocher au pouvoir, comme
l’opposition “qui quand ça a commencé à crépiter s’est cachée et a
laissé la jeunesse congolaise sous les balles”.
“Aujourd'hui je peux vous parier vu le larbinisme de l'opposition que
nous aurons Sassou Nguesso qui va rempiler pour deux mandats”, a-t-il
aussi prédit pessimiste.
A
Brazzaville, le dramaturge Dieudonné Niangouna n’a lui pas pu
s’exprimer ou du moins par sur scène. La douzième édition de son
festival Mantsina sur scène, qui rendait hommage au bouillonnant Sony
Labou Tansi, est interdite de représentations en salle. Un spectacle déambulatoire aura lieu dans les rues, promet toutefois sa compagnie.
Niangouna avait lui aussi clamé “Sassoufit” dans la presse, et il paie
sans aucun doute son opposition affichée au maintien au pouvoir du chef.
A Bujumbura comme à Brazzaville, tout est fait pour que rien ne change, pour que les protestations s'évanouissent dans le brouhaha. Ailleurs la situation de ces deux pays comme bien d’autres en Afrique, suscite au mieux une vague indifférence au pire, des réponses toutes faites, pour dire qu’après tout c’est l’Afrique... Comme si “là bas”, plus qu’ailleurs un président avait le droit de disposer de son peuple à guise, et de faire de son pays son jardin.. Jusqu’à quand ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire