jeudi 24 février 2011

Hep Taxi !

Ils sont jaunes à New York, noirs et haut perchés à Londres, ici à Brazzaville ils sont verts et blancs et surtout, ce sont tous des Toyota Corolla.




A Brazzaville, les taxis sont une véritable institution et sont de plus en plus nombreux. Placez vous dans une rue et regardez les voitures qui passent. Allez ,à vue de nez huit sur dix seront des taxis.. Et tous du même modèle : la célèbre Toyota Corolla. Personne ne sait trop pourquoi ni comment elle est arrivée là, mais bon en tout cas, c’est pratique, tous les taximans ont la même voiture, s’échangent les mêmes pièces et la voiture est paraît-il très résistante…

Quelques réponses aux multiples questions que vous devez vous poser tous les matins en vous rasant :

Quel est la différence entre un bon et un mauvais taximan à Brazzaville?

Pas facile

L’autre jour un doyen de la profession m’a répondu. 

- « Bon d’abord, si le taxi (le chauffeur) porte une boucle d’oreille, tu montes surtout pas ! »

- Ah bon

-  « De toute façon dès que tu sens pas le gars, tu montes à l’arrière, au moins t’es un peu plus protégé ».

En fait, il n’y a pas de technique infaillible. Plusieurs échecs à mon actif : un taxi qui roulait les yeux fermés (en même temps c’était la nuit), et de nombreux chauffards et fou du volant. J'ai hésité une seule fois à demander la fin du supplice mais bon, finalement on s'en est sorti.

Globalement, on peut dire que le vieux taximan expérimenté est en général plus relax que le jeune nerveux, ce qui semble être un critère international. Et aussi que l’apparence extérieure du taxi compte finalement assez peu.

Les Toyota Corolla  se ressemblent-elles toutes ?

Non pas du tout.

D'accord au premier abord, elles sont vertes et de la même marque.

Mais il y a de nombreux modèles de corolla. Les taximans trouvent d'ailleurs un surnom pour chacun d'entre eux, selon la forme et la date d'arrivée à Brazza du modèle. Quelques exemples : "Cuisse de poulet" (pour sa forme allongée), "Benoît XVI" (modèle arrivé au Congo en même temps que l'élection du pape), "Titanic"...

En outre, il existe de nombreuses astuces pour distinguer son taxi d'un autre. Parmi elles : la guirlande lumineuse clignotante extérieure, ambiance boite de nuit ; les appuis têtes écran digital à l’intérieur diffusant les clips de Shakira, parce que Cédric, le chauffeur du jour est un fan absolu ; la déco intérieur : peluches, déco  florale chinoise, diffuseur d’odeur ;  les autocollants dont le plus célèbre est : « Dieu est le seul protecteur de ce véhicule » (merde…) ;  les housses choisies, souvent du faux cuir beige ou noir, un peu collant, surtout au soleil…

Globalement, les taxis le plus prestigieux sont ceux à la sortie de l"’aéroport international. Maya Maya". Ils prennent plus chers, sont très polis, et parfois, ont même la climatisation.
 
Combien coûte une course de taxi ?

Prendre un taxi coûte environ 700 Francs CFA (un peu plus d'un euro) pour une course de jour  d'une distance raisonnable.  1000  FCFA (1€50)  la nuit.
Ce ne semble pas énorme mais déjà bien trop cher pour la plupart des Congolais, qui circulent en taxi collectif (qu'on appelle cinq cents car ils coutent 500 francs) et surtout en fula-fula : les bus, qui coûtent à peu près 200FCFA et qui sont naturellement aussi de marque Toyota.

Un taximan de base, c'est-à-dire celui qui n’est pas propriétaire de son véhicule ne gagne pas très bien sa vie. Sur une journée il se fait à peu près 15000 FCFA d’où il doit retirer le prix de l’essence, et surtout la location de son véhicule. Au final, il se retrouve avec à peu près 3000 FCFA par jour (4 euros 50) ce qui est peu .Le propriétaire de son taxi lui gagne environ le triple.


Quel est le principal ennemi du taximan ?

Le policier bien sûr ou plutôt  le « bandit », le « voyou » comme l’appelle la plupart des taximans. Il arrive souvent qu’un taximan se lance dans un étonnant détour dans les ruelles les plus déglinguées, pour éviter la confrontation avec un policier. Autre cas d’école, la feinte : le taxi est sifflé, il fait semblant de se garer pour subitement accélérer et prendre la fuite malgré les gesticulations du policier vexé. En cas d’arrestation, il n' y a pas un immense suspens : C’est sûr, le policier va trouver quelque chose, et prendra le temps qu’il faudra.  Une fois le permis examiné, le rite commence par la demande du certificat médical du chauffeur puis le policier vérifiera si la plaque d’immatriculation est bien éclairée (une toute nouvelle mesure) et finira par récupérer quelques CFA d’une manière ou d’une autre : abus de clignotant, refus de s’insérer sur le rond point…

Outre le policer, l’ennemi du taximan est bien sûr son camarade taximan. L’engueulade avec un collègue n’est pas rare ou au moins les grommellements dans la barbe pour insulter celui qui vient de déboiter brutalement ou de freiner sans crier gare.  Au registre des pires insultes : « zaïrois »  (l’insulte ultime, les habitants de la RDC d’en face, que les Brazzavillois n’aiment pas trop), « villageois » , notre équivalent de paysan, plouc, péquenot, ou « individu » (sans équivalent à ma connaissance).

Enfin, il y bien sûr les conditions météo. Rien de plus difficile que de trouver un taxi quand une bonne pluie tropicale s'abat sur Brazzaville. Un chanteur des années 60-70, Pamelo Mounk'a le raconte sur un air de rumba dans une de ses chansons intitulée Auto Stop : "il pleut, je suis seul dans la rue, je me mouille. Je cherche un taxi, mais les taxis ne passent plus. Une belle dame passe dans une grosse voiture, je lève mon bras pour qu'elle me prenne, mais elle ne s'arrête pas, je continue à me mouiller dans la rue, mais elle ne s'arrête pas je continue à me mouiller dans la rue...."