mardi 29 octobre 2013

Le Paris d'Alain Mabanckou

Black Bazar, avant de devenir le nom du nouveau concept musical d'Alain Mabanckou, est celui d'un de ses romans les plus réjouissants, paru en 2009. Dans cet ouvrage tragique et tendre, l'écrivain congolais nous plonge dans le quotidien d'un "sapeur" à Paris, un dandy africain qui, pour conjurer sa séparation amoureuse, se tourne vers l'écriture.

Ce narrateur, surnommé le "fessologue" par ses amis, à cause de sa passion non dissimulée pour les postérieurs, raconte son Paris : celui des galères d'un immigré fraîchement débarqué en France, mais aussi celui de la fête et des discussions enflammées dans les cafés. Black Bazar, avec ses personnages truculents, fait beaucoup penser à Verre Cassé autre roman de Mabanckou. Dans les deux livres,  le lieu principal est un café. Mais l'auteur s'est déplacé. On a quitté le nganda (bar) congolais le "Crédit a voyagé", pour rejoindre un café des Halles à Paris, le "Jip's".  Comme souvent chez Mabanckou, le roman est très autobiographique. En creux, ce sont les coins qu'il fréquentait jeune que l'on découvre. Petite visite guidée dans le Paris afro...

Les Halles
Le Jip's, à Chatelet
Le centre névralgique du roman est donc aux Halles, dans une cantine afro-cubaine : le Jip's. C'est là que le narrateur boit des Pelforth avec ses amis :  Roger le Franco-ivoirien, Yves "l'Ivoirien tout court" ou Paul du Grand Congo (RDC). De là qu'ils observent les nombreuses boutiques de "fringues" du quartier où le narrateur fait la connaissance de Couleur d'origine (il la surnomme ainsi à cause de sa peau très noire), sa compagne, qui lui brisera le coeur quelques mois plus tard. 

Le Jip's est aujourd'hui encore bien implanté à l'angle de la rue Saint Denis. Comme dans tout le quartier, les prix ont augmenté et le café paraît moins vivant que dans le roman. Mais  mojitos et soirées dansantes y sont encore hautement recommandés.  

Rue de Suez, une épicerie portant
le nom de quartiers de Brazzaville
Dans Black Bazar, les Halles ce sont aussi les boutiques de la rue de la Grande Truanderie, progressivement remplacées par des traiteurs chinois, et les cafés-institutions : le "fessologue" et "couleur d'origine" fréquentent le Père Tranquille, le Baiser Salé...

Château Rouge

Haut lieu du Congo à Paris, le quartier de Château Rouge dans le 18ème arrondissement. Alain Mabanckou décrit le fameux marché Dejean où Couleur d'origine commence à travailler. Tous les produits congolais sont disponibles rue Dejean : poisson salé, safous (fruit congolais), maniocs, bananes plantins. Tout ça vendus sur des étals un peu pirates, à côté des produits de contrefaçon ou dans les épiceries africaines des rues de Suez ou de Panama. 

Le narrateur va ainsi se restaurer chez Pauline Nzongo, Maman Jeannine ou au bar le Sangho. Il va acheter ses disques à la boutique Exotic Music à la Goutte d'or, où il pourra retrouver des classiques de Franco et du OK Jazz

Le quartier Château Rouge est encore très congolais aujourd'hui. Il y a beaucoup de Congolais de RDC mais aussi des Brazzavillois. Parmi eux, le sapeur Bachelor qui a lancé la marque Connivence, qui vend des costumes dans la tradition de la sapologie : la société des ambianceurs et des personnes élégantes

Le "Bachelor", devant sa boutique
rue de Panama


La traversée de Paris

Tout au long de l'ouvrage, Mabanckou nous invite ainsi à une véritable traversée de Paris. Dans le 10ème arrondissement, à Château d'eau où le narrateur vit avec cinq compatriotes dans des conditions difficiles au début du roman. "Chateau d'eau c'est pour nous le lieu de transit avant d'arriver à Château rouge" écrit-il , évoquant les boutiques de perruques féminines Luxure du quartier.  Il nous emmène dîner dans un restaurant camerounais du XIème arrondissement, l'Equateur. Danser dans les boites africaines et antillaises comme l'Atlantis quai d'Austerlitz ou le Koeur samba dans le VIIIème. Rappelant au passage la proximité des cultures africaines et antillaises, que ce soit pour la musique (il évoque le chanteur Coupé Cloué) ou la littérature (le narrateur fréquente un écrivain haïtien, Louis Philippe).

Un grand bazar qui donne du baume au coeur. 

Un coiffeur Afro, rue de Panama

mardi 8 octobre 2013

Les milliardaires africains et les autres...

Selon le magazine Ventures, le nombre de milliardaires africains serait sous-estimé  Dans son classement Ventures recense 55 milliardaires (contre 25 dans les autres enquêtes), essentiellement des Nigérians, Sud-africains et Egyptiens. La plus grande fortune d'Afrique serait l'entrepreneur nigérian Aliko Dangote, à la la tête d'un empire industriel : ciment, farine, sucre...La femme la plus riche d'Afrique, Folorunsho Alakija, est également nigériane et dirige une compagnie pétrolière, Famfa Oil. 

Ces informations relancent le débat sur les inégalités sur le continent africain. Forte de ses 5% de croissance annuelle depuis 2000, l'Afrique compte de plus en plus d'hommes très riches. La Banque Mondiale considère que grâce à cette croissance, le nombre d'Africains vivant dans un état d'extrême pauvreté ( moins de 1,25 dollars par jour) s'est également réduit, passant de 58% en 1999 à 48,5 % en 2010. 

Mais ces chiffres globaux sont critiqués par les chercheurs, en charge de l'Afrobaromètre, une vaste enquête sur la situation économique et sociale des pays africains. Selon eux, la situations est très inégalitaire à l'intérieur de chaque pays, entre une petite élite très urbaine et la majorité de la population. Les inégalités de revenus s'aggravent dans la plupart des cas, estiment-ils. Plus d'un Africain sur trois considèrent que la situation économique de leur pays s'est dégradée cette année.