jeudi 26 août 2010

Le samedi à Brazzaville, c'est le jour du mariage...


Le samedi à Brazzaville, c'est le jour du mariage


Jour de mariage, ce samedi dans le quartier populaire de Talangaï, au Nord de Brazzaville.

Pas n’importe quel mariage, mais le mariage coutumier, qui précède le mariage civil et religieux, et qui est sans doute le plus important : c’est le moment où le futur mari paie la dot à sa belle famille.

Aujourd’hui Laudes Martial épouse Mamie Arsimine.

Le rendez vous est fixé à 12H30 dans la cour d’une maison. Deux grandes tentes ont été dressées et les sièges sont en rangée d’oignons pour accueillir les invités.

Sous la tente principale, les deux familles, de la femme et du mari, se font face. Pour le moment, le siège des mariés, au milieu de l'assistance, est vide. Laudes martial est assis dans les rangs de sa famille. Quant à Mamie Arsimine, elle attend patiemment chez elle qu'on vienne la chercher. Chaque famille a choisi un orateur pour la représenter. Etre orateur est presque un métier, il faut savoir bien parler, et faire rire le public. La tâche est d'ailleurs rémunérée, et les heureux élus sont souvent les mêmes de mariage en mariage. Notamment parce qu’il est essentiel de bien connaître tous les codes d'un mariage coutumier, dont certains à moitié magiques, pour éviter tout incident diplomatique.

La cérémonie commence avec une heure de retard, comme souvent au Congo.

Après avoir un peu entrainé la foule, l’orateur de la fiancée prend la parole. Il s’adresse au « camp d’en face ».

« - Alors comme ça vous avez vu une poule chez moi …
- Oui répond son homologue, une bien jolie…
- Et qu’est ce que vous avez à m’offrir pour avoir cette poule ? »

S’en suit la longue liste de cadeaux, préparée à l’avance avec la famille de Mamie Arsimine.

« - Est-ce que vous avez une tenue de femme (pour la mère)
- Oui nous avons répond l’autre pendant qu’un membre de la famille l’amène

- Est-ce que vous avez un costume complet (pour le père)
- Oui nous l’avons…Regardez comme ce costume est beau. Il montre l’étiquette. Il est italien. L’assistance rit et applaudit.

- Est-ce que vous avez cinquante mille francs CFA.

L’orateur d’en face arrive avec une enveloppe. Il compte, et l’assemblée en chœur avec lui les billets de 10 000 FCFA. 1, 2, 3, 4, 5…

- Est-ce que vous avez un sac de sel…Est-ce que vous avez un lot de foulards…

- Est-ce que vous avez 25 casiers de Primus (la bière locale)
- Bien sûr nous avons 25 casiers de Primus. Les casiers de Primus commencent à s’accumuler sur la natte, posée aux pieds de la famille de Mamie Arsimine pour accueillir les présents.

- d’ailleurs comme nous sommes un bonne famille, nous en avons même 30…L’assistance applaudit, hilare pendant que cinq casiers supplémentaires arrivent. L’ensemble de la famille "adverse" est maintenant dissimulée derrière la pile de casiers.

- Et même 35 ! Et cinq casiers supplémentaires arrivent. Tout le monde est ravi…

- Avez vous des chaussures de femmes de pointure 40, 41, 42
- Evidemment nous les avons. Regardez cette chaussure de pointure 40, elle est italienne. Et voici celle 41, puis 42. Mais je n’ai jamais vu d’aussi grands pieds. »

L'assistance rit à nouveau.

Et ainsi de suite, toute la liste y passe, dans un ordre bien précis, avec une succession d’objets de toute sorte, de vêtements, de vin de palme, d’enveloppes d’argent…Les deux orateurs se déchainent. C’est drôle et un peu long.

Vient le moment de la dot. Là la cérémonie change un peu. Les orateurs et quelques éminents représentants des deux familles quittent l’assistance, et se rendent derrière la maison pour évoquer et échanger la somme choisie. C’est chose là ne se font pas en public…D’après des personnes croisées au mariage, le montant d’une dot peut varier, mais va vite dans les 200 000 ou 300 000 FCFA. Pour un mariage complet il faut compter à peu près 1, 5 millions de FCFA (un peu plus de 2200 euros). Et les prix montent, paraît-il…

Les deux familles reviennent. La dot a été donnée.
L’orateur de la fille prend la parole. « Bon, il y ce qu’il faut pour prendre la poule. Mais quelle poule tu veux au juste ? », demande t-il au mari.

C’est l’heure d’aller chercher la femme chez elle. Le mari doit paraît-il trouver sa future femme, cachée dans la maison, pour montrer qu'il la mérite bien.

Une quinzaine de minute plus tard les mariés reviennent tous les deux, main dans la main, sous les hourras de la foule. Ils prennent enfin place sur la banquette qui leur était destinée. La femme est vêtue d’une grande robe bleue, très brillante, et a, pour l'occasion, une coiffure sophistiquée avec de nombreuses couleurs et rajouts.

Le moment fatidique approche.
Une bouteille de jus (soda) est ouverte. On en prépare un verre pour le père de la marié. « Ma fille est ce que c’est vraiment ce jeune homme que tu veux pour époux ? ». Le père répète trois fois la question à sa fille qui répond trois fois oui. Il boit alors son verre de jus, signe d’approbation du mariage.
Vient le tour du mari à qui la femme prépare un verre de jus. Elle se met à genoux devant son mari, en signe de soumission, et le fait boire. Puis le mari fait boire à son tour un verre de jus à sa femme. Lui, reste debout.

Tout le monde applaudit très fort. On fait des photos. Il y a un peu d’agitation. Des jeunes filles, les belles sœurs du marié, se bousculent pour aller cirer ses chaussures. Il leur donne en échange 500 Francs à chacune. Apparemment cela fait également partie des traditions. Et le marié a intérêt à avoir de la monnaie sinon ce sont les billets de 5000 qui y passent. « Des vraies rapaces » dit le chauffeur de taxi sur le chemin du retour. Il vient de se marier et avait pris soin d’avoir une bonne liasse de billets de 500 pour ne pas se faire avoir.

Les mariés se lèvent. La foule les interpelle : le baiser, le baiser ! « Au moins une heure, Laudes, au moins une heure » dit l’un, « pas moins », « allez vas-y laudes, le baiser du cinquantenaire » (Le Congo vient de fêter cinquante ans d’indépendance).
Les deux mariés s’embrassent, plus furtivement que ce que réclamait l’assistance, malgré tout ravie..

Vient le moment de la longue file des invités félicitant les mariés en leur offrant des cadeaux de toute sorte dont, une chèvre, de la nourriture, des bassines, et de nombreux paquets emballés dans du papier brillant.

Puis les casiers de Primus et de jus sont amenés, tout le monde s’y met à cœur joie.

Ça y est la cérémonie officielle est terminée. Il est 16H. Et les festivités ne font que commencer…

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